Gabriel Péri a inspiré ce texte au poète Paul Eluard :
« Gabriel Péri »
Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli
Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre
Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amies
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.
Paul Éluard
Au rendez-vous allemand, Paris, Éditions de Minuit, 1945.
© Éditions de Minuit
Gabriel Péri (1902-1941)
Gabriel Péri est né à Toulon en 1902. Communiste de la première heure, il fut journaliste à Clarté, journal d’Henri Barbusse, puis à L’Humanité
à partir de 1924. En 1929, il est membre du Comité central du parti
communiste. Homme d’idées, orateur de talent, porte-parole de la Société
des Nations et élu député d’Argenteuil en 1932, il devient
vice-président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée
nationale en 1936. Cet intellectuel charismatique s’engage dans les
réseaux communistes de la Résistance pour un combat contre l’occupant.
Arrêté par les Allemands en mai 1941, son nom s’ajoute à une longue
liste d’otages. Il est exécuté, avec 91 autres personnes, le 15 décembre
1941 au mont Valérien.
La lettre d’adieu à une amie de Gabriel Péri parvint jusqu’à Londres et fut lue à la radio par Maurice Schumann.
Quelques mois après cette mort, Paul Éluard, qui a quitté le parti
communiste en 1933, renoue officiellement avec lui pour marquer son
entrée dans la Résistance active. Le poète s’était déjà rapproché des
communistes à l’occasion de la guerre d’Espagne (1936) ; en 1938, il
écrit « La Victoire de Guernica » qui fait entendre la souffrance du
peuple espagnol opprimé par le franquisme et sa solidarité envers les
Républicains (Cours naturel). L’adhésion à ce parti alors illégal le place dans la résistance intellectuelle et la clandestinité.
Au Rendez-vous allemand (1945)
Connu jusque-là comme poète surréaliste et poète de l’amour, Paul
Éluard consacra à partir de la Seconde Guerre mondiale son écriture à la
cause de la Résistance et à la lutte contre le fascisme.
Le recueil Au rendez-vous allemand,
publié en 1945 aux Éditions de Minuit, contient nombre de textes écrits
sous le manteau. Les Éditions de Minuit ne sont plus clandestines
lorsque ce volume paraît. Paris a été libéré. Le 25 août 1944, Paul
Éluard participait d’ailleurs à une réunion au Comité national des
écrivains. L’exécution en 1941 de Gabriel Péri, journaliste à L’Humanité
et résistant, lui inspire ce poème, « Un homme est mort »/« Gabriel
Péri », composé de trois strophes en vers libres. L’écriture simple,
directe, sobre et émouvante du texte s’appuie sur un usage efficace,
expressif et personnel de la versification classique. À l’instar de cet
exemple emblématique d’un engagement teinté de lyrisme, l’ensemble du
recueil est placé sous le double signe de la résistance à l’oppresseur
et de la défense de l’opprimé.
Source : https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/paul-eluard/gabriel-peri/pour-aller-plus-loin/